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Roland Duclos, « Obscurs éclats d’aveugle multitude de Li Fang », 2007

Obscurs éclats d’aveugle multitude de Li Fang

 

 

C’est en portant un regard distancié sur ses personnages que Li Fang nous les rend étrangement proches. Entités quasiment sans visage, aux traits anamorphosés par une

hyper pixélisation, elles croisent nos existences en ignorant nos exigences, sans paraître nous voir.

 

Comme si nous étions condamnés à rester respectivement de part et d’autre du miroir, lointains étrangers pourtant si proches. Mondes parallèles tendus par le désir d’impossibles retrouvailles ! Plus nous manifestons la volonté d’entrer en contact, plus ces éclats de multitudes feignent de nous méconnaître, poursuivant leur insouciante quête, imperméables à notre désarroi.

 

Silhouettes anonymes si vivantes, en instance de faire irruption dans notre présent, elles poursuivent une autre réalité qui nous échappe, que jamais nous n’atteindrons et qui toujours les enferme. Nous sommes partagés entre le désir de forcer leur secret, d’en percer les codes, et celui de nous tenir à distance, de peur d’en effacer pour toujours les signes. Peut-être bien aussi que la révélation qu’elles portent en elles serait si terrible qu’elle nous serait fatale. Insoutenable mystère sous le sceau du nondit, il se pare de légèreté afin de mieux dissimuler ses attentes et nos doutes.

 

 La ville est ainsi pétrie de peurs et de convoitises, prise au piège de ses propres tensions, étrangement parcouru de passions solitaires mêlées et contrariées. Li Fang donne si peu à voir de ce monde à la trouble duplicité qui exerce une telle fascination sur notre imaginaire qu’il semble au contraire ne rien nous en dissimuler.

 

Dire nos limites

 

Et s’il suffisait de tendre le bras pour qu’au hasard de cette foule qui se hâte vers un but apparemment sans objet, nous rencontrions enfin cette main attendue, celle qui nous espère pour pouvoir changer de sphère, fuir vers une réalité autre et à la fois si familière ? Elle risquerait fort d’en devenir insupportable.

 

Car si Li Fang a choisi de taire l’image pour n’en suggérer que l’apparence, c’est aussi dans le but de nous en dire les limites.

 

 

Roland DUCLOS

Journaliste

2007, Clermont - Ferrant